
Au milieu d’un rêve qui semblait pourtant parfaitement tangible, les aventuriers se réveillent en sursaut, surpris par le bruit, bien réel lui, d’une lourde porte qui claque.
Reprenant leurs esprits ils se rendent compte qu’ils sont dans une pièce ronde, éclairée par 2 torches et au milieu de laquelle se trouvent les éclats brisés d’un énorme miroir circulaire, enchâssé dans le sol. Mais plusieurs choses les perturbent. D’une part ils n’ont aucun souvenir d’être jamais venu dans cette pièce, et d’autre part ils ne reconnaissent pas leurs compagnons d’infortune.
Deux orcs, un Gnome, un Félys et un Tiefelin. Les orcs se connaissent, et pour cause Ganagoroth est le frère ainé de la jeune et impétueuse Gringaroth. Fidèle, le Tiefelin, avait déjà vu ces deux là, dans le rêve dont il venait d’être tiré. Etrangement les deux orcs avaient partagé ce même rêve. Margay le Félys, lui ne connaissait personne et pourtant il avait la vague impression de les avoir déjà vu quelque part. Aleb le Gnome partageait également ce sentiment… Mais que s’était-il passé?
Entendant s’approcher des cris provenant de couloir donnant sur la pièce, les camarades d’infortune n’avaient pas le temps de se poser trop de questions. Ils s’engouffrèrent dans la porte opposée, d’où émanaient d’étranges bruits d’incantation et de métal. Enjambant les lourdes chaines brisées qui avaient dû servir à condamner la porte, nos amis choisirent l’option courageuse de la fuite.
Margay resta cependant un instant pour mieux voir leurs poursuivants. Une dizaine de moines surgirent par le couloir opposé mais s’arrêtèrent net, les yeux remplis d’horreur à l’idée de s’approcher d’avantage. Sans chercher à en savoir plus, Margay ferma la porte et rejoint ses compagnons.
Aidés par leur vision nocturne, la fine équipe progressa prudemment dans un couloir depuis longtemps abandonné. Fidèle, voulant en savoir plus sur les dangers au devant desquels ils couraient, inspecta soigneusement le sol et aperçut des traces fraiches ressemblant étrangement à leurs propres traces.
– Ca pue ça!
Réagit avec a-propos Gringaroth. Et les autres d’acquiescer.
Leur progression les mena à une catacombe circulaire d’où émanaient d’étranges cliquetis insectoïdes. Gringaroth se glissa discrètement d’un côté de la pièce tandis que Fidèle fît de même de l’autre, non sans renverser maladroitement une stèle funéraire, ce qui ne manquât pas d’alerter la créature dont le lieu servait de garde manger: un Ankheg!

Aleb, dont l’éducation de magicien allait enfin servir, sut reconnaitre la bête, et même identifier qu’il lui manquait un membre. Toujours à l’affût d’une occasion de se faire oublier, il suivit le mouvement de Gringaroth qui s’était mise en quête de contourner le monstre pour le mieux surprendre. L’ankheg se rua sur Fidèle, mais sa morsure ne put atteindre l’habile moine. Ganagoroth fit appel à son dieu pour frapper l’insecte d’un feu sacré qui le fit s’illuminer, tandis que Fidèle acheva la besogne d’un coup de bâton bien placé. La bête était terrassée sans trop de difficulté, et pour cause, il apparut clairement qu’elle avait déjà été blessée il y a peu.
Gringaroth remarqua un objet brillant au sol, un médaillon argenté sur lequel était gravé le dessin d’un corbeau. Elle se garda bien d’en révéler l’existence à ses compagnons.
Hésitant à continuer plus avant, nos amis se concertèrent. Convaincus qu’ils pourraient en apprendre d’avantage chez les encapuchonnés, ils revinrent à leur lieu de départ.
Quelques moines étaient en train de remplacer la chaîne de la porte lorsque débarquèrent les 5 compères. Surpris, et peu désireux de se battre, les moines prirent la fuite pour prévenir la garde, mais Gringaroth se saisit de la capuche d’un petit moinillon et le somma de s’expliquer. Le petit Fabrice, terrorisé par l’orque qui l’avait soulevé d’un seul bras à 50 cm du sol, n’était pas en mesure de leur dire grand chose, mais leur expliqua en sanglotant qu’ils trouveraient sûrement des réponses auprès d’Arkil, le père supérieur. Les compagnons n’avaient pas confiance mais on leur assura qu’il n’allait rien leur arriver.
Arkil etait un vieil elfe dont les rides et la simple tenue de lin n’enlevaient rien à sa prestance. Il reçut les aventuriers dans sa modeste chambrette, et à leur grande surprise les réprimanda sévèrement.
– Vous avez failli à votre devoir, maintenant à cause de vous le miroir de divination est brisé. Ma colère est grande mais la déesse vous pardonnera si vous retrouvez les bandits qui ont fait cela
Devoir? Déesse? Tout cela ne rimait à rien pour nos camarades, mais Arkil n’en démordait pas. Ils avaient été engagés pour garder le miroir, il y a de nombreuses années d’après lui, et leur mission était de le protéger à tout prix. Mais aucun d’eux n’avait ce souvenir. Le prêtre leur expliqua que c’était probablement un effet secondaire lié à la destruction du miroir, mais ses explications étaient loin d’être convaincantes. La déesse en question n’étant autre qu’Ellona, déesse de la vérité, il était cependant difficile de remettre en cause les dires d’un de ses hauts représentants.
Enguérand, le capitaine de la garde, arriva sur ces entrefaits et il expliqua aux aventuriers qu’ils n’auraient le droit de quitter la ville qu’une fois les malfrats retrouvés et que justice soit faite. Très contrariés, les compagnons furent pourtant obligés de se plier au bon vouloir de la garde, n’ayant aucune envie d’être traduits en justice, et désireux de mieux comprendre leur situation.
Retour dans les couloirs sombres où nos amis, en convenant d’un plan, se rendirent compte qu’ils portaient tous un tatouage en forme d’oeil. Symbole qu’ils avaient pu remarquer sur la tenue de tous les moines du monastère et qu’Aleb reconnu comme le symbole de la déesse Ellona. Encore un mystère de plus.

Soudain Ganagoroth eut un flash, un souvenir bien réel dans lequel il poignardait son propre père dans son sommeil. Son père à qui il vouait une admiration sans fin. Jamais il n’aurait pu commettre un tel acte, et surtout aussi lâchement. Gringaroth vit son malaise, mais il ne voulu pas en dire d’avantage.
Les traces finirent par mener nos amis à une poterne qui avait été condamnée par des barreaux. Ces derniers avaient été brisés probablement par une combinaison de sorts et de force brute. La poterne étant en hauteur, Gringaroth considéra quelques instants l’idée de laisser le gnome derrière, car le pauvre ne pouvait pas l’atteindre. Le petit gnome psalmodia quelques paroles et soudain Gringaroth le trouva soudain bien plus sympathique, voire même mignon. Il la supplia à nouveau, faisant des yeux de chien triste, et avant que son coeur n’implose, l’orque le hissa hors de son trou. Elle réprima quand même l’envie de lui faire un gros câlin.
La poterne donnait sur la place du marché, qui était fort animé en cette fin de matinée. Tous les aventuriers eurent une étrange sensation de déjà vu. Cette place, ces odeurs, ils n’y avaient jamais mis les pieds et pourtant chaque emplacement, chaque slogan de marchand leur évoquait des souvenirs vivaces. Ils tentèrent de s’en remémorer d’avantage, de préciser ces souvenirs, mais plus ils se concentraient dessus, plus ils leur échappaient.
Une scène attira l’attention du groupe: un jeune homme gisait à terre dans une marre de sang, son père le tenant dans ses bras en hurlant sa douleur. Soudain une marchande hurla:
– CE SONT EUX!
Immédiatement la foule se tourna vers nos pauvres amis, le père hors de lui se rua sur eux, prêt à en découdre. Heureusement le Capitaine Enguérand avait anticipé les problèmes et raisonna, si pas le père, au moins la foule. Il s’avéra que les malfrats ressemblaient en tous points à nos camarades, à quelques différences vestimentaires prêt. D’après les descriptions qui en furent faites, ceux là n’étaient pas marqués du symbole d’Ellona. Rapidement nos compagnons reprirent la chasse, s’engouffrant dans les ruelles où semblaient s’être enfuis leurs alter-egos. Mais en pleine heure de pointe, et ayant déjà un bon quart-d’heure de retard, ils durent se rendre à l’évidence qu’ils n’arriveraient pas à les poursuivre.
Margay eut l’idée de chercher dans la foule d’autres Félys ayant l’air de le reconnaître. Il finît par en remarquer un qui le regardait avec plus d’insistance. Il alla l’aborder, jouant la carte de l’improvisation:
– Hey, on se connait, non?
– Qu’est-ce que tu me veux Margay
– Ca fait une paye, ça te dirait d’aller boire un verre
l’autre jeta un regard noir à Margay, ainsi que son poing qui manqua de peu sa cible.
– Fous moi la paix Margay, et si tu touches encore à ma femme je te jure que je te tue.
Margay eut alors un flash, et se souvint clairement d’avoir couché avec la femme de son interlocuteur dont il ne pût cependant pas remettre le nom. Mais ça n’était pas tout, dans sa tête défilèrent les souvenirs de nombreuses autres conquêtes… parmi lesquelles Gringaroth. Il chassa rapidement l’image de son esprit, jetant un coup d’oeil furtif à la demi-orque, et réprima un sentiment de dégoût. Reprenant ses esprits, il fit intérieurement le point sur ce qu’il venait d’apprendre: non seulement ils ressemblaient à leurs alter-ego, mais portaient également le même nom. Margay ne croyait déjà pas trop aux coïncidences, mais celle-là en était une de trop. Il fit part au groupe de sa découverte, omettant soigneusement le détail qui fâchait, et nos amis décidèrent de se rendre dans les docks, à la recherche de l’un ou l’autre gamin de rue qui pourrait leur donner des infos.
Il ne fallut pas attendre trop longtemps pour remarquer trois gamins qui scrutaient le groupe. Gringaroth s’approchant d’eux, ils prirent immédiatement la fuite, mais bien au fait de la vie de rue elle leur fît comprendre qu’elle avait un travail payant pour eux. Les gamins revinrent vers elle, et l’un d’eux pris son air le plus défiant:
– C’est dangereux?
– Non, je veux juste que vous me retrouviez un groupe de personnes.
– Trois pièces d’argent!
– Tu peux rêver gamin, ça les vaut pas, j’en trouverai d’autres comme toi qui bosseront pour moitié moins.
– OK, trois repas alors.
– Ca marche, il y a une auberge là. Gringaroth désigna une auberge crasseuse nommée « Le Porc qui Grince »
– Nan, celle là! Répondit l’autre sur un ton de défi, pointant vers l’auberge voisine, bien plus engageante: « A la Fontaine Fleurie ».
– Et puis quoi encore, tu voudrais pas que je te lèche les bottes non plus?

Fidèle, agacé par la lenteur des négociations fit usage d’un de ses tours de Tiefelin pour créer l’illusion d’un tremblement de terre sous leurs pieds. Immédiatement les gamins prirent la fuite, mais décidément habile à cette pratique, Gringaroth agrippa le plus lent par l’encolure et le souleva jusqu’à coller son nez contre le sien. Elle plongea son regard noir dans ses yeux, non sans l’avoir au préalable plongé dans ceux de Fidèle. Le petit accepta en bougonnant et se mît à table au propre comme au figuré. Mais loin de perdre le nord le petit persista dans la négociation.
– Donc on avait dit trois repas.
– Ho gamin, me la fait pas à l’envers, t’es seul mais t’auras qu’un repas
– Et une bière!
– Non mais à ton âge tu rêves, un lait de chèvre et puis c’est tout.
– On a que du lait de truie ici, aboya l’aubergiste, c’est le « Porc Grinçant » ici, pas la « Biquette Ruminante ».
Gringaroth dut se retenir d’avoir recours au meurtre, ce que perçut le gosse qui finit par accepter la pitance, non sans réclamer un supplément de petit salé.
– C’est qui les gars qu’on doit retrouver? Demanda-t-il.
– Des gars comme nous. Expliqua Aleb
– Deux orcs moches, un gnome, un chat et un truc bizarre?
Fidèle retira sa capuche, révélant sa nature de Tieflin, ce qui interloqua l’enfant. Sous le ton de la confidence, le môme murmura à Ganagoroth qui était juste à côté de lui:
– Il a des cooooooooornes…
Sur les tempes de Gringaroth, l’on pouvait voir saillir deux grosses veines. Fidèle pouffa, amusé par la tournure des événements.
– Pas simplement comme nous, précisa Ganagoroth, ils sont exactement pareils.
– Donc si j’ai bien pigé, c’est vous que j’dois trouver?
– T’as pigé.
– Bon bah je vous ai trouvé.
Gringaroth dût à nouveau se retenir mais son frère lui donna un regard indiquant qu’il valait mieux qu’elle aille faire un tour dehors.
Après quelques explications supplémentaires, le gosse finit par enfin comprendre, tenta à nouveau de négocier une prime de risque puis fila, leur promettant des résultats d’ici midi. Les aventuriers ayant faim, et encore deux heures devant eux décidèrent de manger puis de se séparer pour aller pêcher d’autres informations.
